lundi 24 juin 2013

BQ de la semaine du 17 juin 2013

Lundi 17 juin. Discussion avec des "conservateurs" britanniques
Pour ces « conservateurs, les valeurs traditionnelles du Toryism sont issues de la pensée d'Edmund Burke. Ils opposent un refus principiel à être classés comme "anti-progrès" ou "anti-moderne".
Autonomie : le progrès des techniques et des sciences, le progrès économique, le progrès social, la croissance, l'augmentation des revenus seraient, au contraire, au coeur de leur projet de société, fondé sur la liberté individuelle, la libre entreprise, la propriété, la juste rémunération du mérite et de la prise de risque, la concurrence. Les conservateurs britanniques se revendiquent d'abord comme des libéraux, désireux de réduire la sphère publique et de laisser ainsi aux individus le maximum de liberté par rapport aux injonctions de l'Etat ou au conformisme du moment véhiculé par la prétendue "société civile" et ses ONG « bien pensantes ».
Ils nourrissent a priori une solidarité avec ceux qui fuient et combattent les régimes oppressifs et les économies verrouillées ; un attachement au principe du droit d'asile et une amitié comme un soutien pour les dissidents, les résistants, les combattants de la liberté.
Autres convictions : le refus de l'esclavage, du servage économique et de la précarité matérielle, dans la filiation de Wilberforce, Lord Shaftesburry et Beveridge ; la conviction qu'extrême pauvreté et oppression se renforcent mutuellement.
Vigilance. Elle est nécessaire vis-à-vis de la criminalité, des réseaux criminels, des mafias, des sociétés secrètes, des sectes et des groupuscules violents. Ils désirent leur opposer une résistance intelligente et proportionnelle, dans les pas de Lord Peel, fondateur de la police moderne.
Une vigilance qui prend le visage de la méfiance. Méfiance vis-à-vis des grands plans, des stratégies de rupture décidées d'en haut, de la planification économique ou politique inspirée par la Raison et mise en oeuvre par une avant-garde éclairée de technocrates. Méfiance vis-à-vis des bureaucrates et des bureaucraties, qu'elles soient privées ou publiques. Méfiance vis-à-vis des forces qui prétendent dicter des normes à la vie privée. Méfiance vis-à-vis des révolutions - vraies ou fausses - conduites au nom de la Justice ou de la Jeunesse.
Horreur aussi des destructions, des massacres, des souffrances, des absurdités et la servitude qu'elles entraînent, le plus souvent au profit de quelques-uns, qui tirent parti des situations pour s'assurer toutes sortes de rentes. Présomption de corruption chaque fois que la sphère publique devient trop envahissante, centralisée, uniforme et opaque. Devoir de vigilance, d'enquête, de contestation et d'indignation. Dénonciation constante, sans complaisance, quel qu'en soit le coût, des crimes du fascisme, du communiste et des régimes autoritaires. Refus de la conscience tranquille.
Modestie. Modestie souhaitée de la sphère publique. Modestie souhaitable des idées politiques. Modestie vis-à-vis des autres cultures, des autres peuples, des autres traditions dont le respect doit prévaloir.  Modestie vis-à-vis des autres périodes historiques que l'on risque toujours d'interpréter avec anachronisme, voire de caricaturer par des lois mémorielles absurdes. Modestie, donc, devant les erreurs de la colonisation et de la décolonisation, mais sans auto-flagellation. Modestie de bon aloi vis-à-vis des vaincus dans les guerres.
Economie des moyens. Economie de la sphère publique, de la dépense publique, de la production normative : trop d'impôt tue l'impôt, trop de règles tuent la règle...
Les « conservateurs » mettent l’accent sur l'égalité des chances, la fluidité sociale, plutôt que sur la redistribution des revenus et des patrimoines, toujours beaucoup plus compliquée à organiser. Ils font confiance au marché et à quelques éléments de régulation pour faire fonctionner l'économie. Ils adoptent le principe de suffisance en matière militaire, le pragmatisme institutionnel en matière internationale, c’est-à-dire choisir les alliances qui apportent les résultats les plus tangibles au moindre coût. Avec la liberté de mouvement et la concentration des efforts comme a priori tactique.

Mardi 18 juin. Anniversaire de l'appel du 18 Juin.
Lecture de l'Atlas de la France chez Autrement. Comme les choses ont été difficiles pour les Français libres : si peu de moyens, si peu d'hommes, si peu de soutien politique, pendant si peu de temps d'ailleurs. Les Alliés avaient en fait choisi une autre France : celle, plus flexible, de l'Algérie française, de la continuité, des moyens matériels... Face à cela, le projet plus révolutionnaire de la France libre oppose la crédibilité militaire qui administre la preuve de l'existence, la créativité institutionnelle, et aussi la capacité à s'extraire des obligations pourtant dévorantes du présent pour préparer sans relâche le coup d'après et l'avenir : cathédrales de mots qui devaient sembler à certains bien dérisoires... Qui sont finalement les existentialistes en 1943 ? Les petits gars de la France libre qui se battent pour se battre et réinventer la France ou Jean-Paul Sartre qui devient à ce moment là un auteur de théâtre à la mode ?

Mercredi 19 juin. Une « drôle » de petite musique…
« Peut-on trouver une matrice, une sorte de petite musique qui caractériserait la droite extrême ? Quels en seraientt les thèmes, la séquence ? »  me demandent quelques amis belges à propos de la France. Est-ce "travail, famille, patrie" ? Est-ce "tous pourris" ? Je leur montre le fac-similé d'une affiche du Comité de Montpellier de la Ligue antisémite publiée dans La Croix le 21 juillet 1898 et reproduite par Jacques Bouillon (et alii), 1848/1914, Paris, Bordas, 1978.
On trouve les éléments suivants :
Aveuglement
On nous l'avait dit.
Certains déjà démasquaient
On n'a pas voulu les comprendre
On les a traités de prophètes de malheur, on les a accusés de haine
On a voulu fermé les yeux...
Complicité
...Pendant que les cuistres de la littérature pornographique (sic) endorment le peuple,
Pendant que les écumeurs de la politique déchirent la patrie et attisent les luttes politiques...
Ruine/aliénation
... Se poursuit la ruine du pays
Se poursuivent les accaparements
Se poursuivent les scandales financiers
Il ne manque plus que de vendre le pays après l'avoir déshonoré
Pauvre pays, pauvre peuple
A quoi lui sert d'avoir été un des plus beaux et des plus riches du monde
Une infime minorité a tout accaparé, tout sali, tout détruit...
Sursaut
..Il n'y a désormais plus que des aveugles pour ne pas voir
C'est à la faveur de nos discordes que c'est accomplie cette oeuvre néfaste
Trêve de division, assez de déchirements
Après nous avoir ruinés, divisés, déshonorés, on est en train de chambarder le pays au profit de l'étranger
Unissons-nous
Avant de bouter hors du pays les parasites, réduisons leur influence politique et économique
Il commence à être temps de rendre le pays à lui-même...

L'ennemi intérieur est interchangeable : les Juifs hier, les immigrés, les Musulmans, les Wallons, les assistés, les socialistes... ça marche à chaque fois
Un tract du Vlaams Belang dans la boîte aux Lettres : est-ce seulement un populisme fiscal et un séparatisme fiscal ? En tout cas, ce n’est pas seulement le populisme patrimonial diagnostiqué par Dominique Reynié. Peu d'exaltation apparente du passé, du monde d'hier, de l'identité…
Il y a des propositions plutôt conservatrices au sens classique : moins d'Etat, plus d'économies, la séparation de la banque de dépôt et de la banque d'affaire, un contrôle non-politisé des activités bancaires risquées, le retour au franc belge et à l'Europe d'avant Maastricht, le refus d'un Etat fédéral européen, une politique d'asile claire. Mais il y a aussi le plaidoyer pour aller jusqu'au bout du divorce belge par une séparation ordonnée avec Bruxelles comme capitale de la Flandre. Mais il y a aussi comme des relents de la vieille petite musique de la droite extrême.

Aveuglement (les Belges sont représentés sur le tract comme des vaches aux yeux tristes et bêtes, des "vaches à lait !)
Complicité  « Le "prof" nous dit que nous n'avons rien à craindre ».
Ruine/ aliénation « Les banques - et même les syndicats - ont risqué des milliards d'Euro et ont tout perdu.
Plus de 20% de la population vit sous le seuil de pauvreté
Notre économie s'écroule. Notre système de sécurité sociale est en danger
Ce sont nos comptes d'épargne qui sont convoités par l'appétit fiscal du gouvernement. L'avenir de nos familles est en jeu
Nous nous saignons aux quatre veines pendant que les immigrés sont accueillis à bras ouverts. Il existe un gaspillage frénétique dans le sud du pays. Certains échappent aux impôts par des astuces.
Pauvre Belgique : nulle part, la pression fiscale n'est aussi élevée
L'argent des Belges est censé payer les dettes des pays du Sud
Le bien-être et la prospérité que nous avons hérités de nos parents et de nos grands parents ont été dilapidés en un temps record ».
Sursaut « Il est temps désormais d'organiser la Résistance ».

Qui sont les ennemis de l'intérieur dans le cas présent ? Les autres partis, les élites nationales toutes tendances confondues, et notamment les socialistes wallons démagogues, laxistes et dépensiers.

21 juin 2013. Eté.
Discussion avec une amie libano-égyptienne. Quel est le projet des Frères musulmans en Egypte ?
Politiquement, selon elle, il y a beaucoup de pragmatisme. Le véritable enjeu serait social : le projet n'a pas changé depuis les années trente où les Frères envisageaient une révolution totale : changer l'individu, puis changer la famille, puis changer la société, puis changer l'Etat, puis changer les rapports de force internationaux. Le pragmatisme actuel serait donc tactique, comme il l'est peut-être ailleurs : éviter que l'économie s'effondre, rester au pouvoir pour donner le temps au temps et permettre à la vraie révolution de se faire à la base, en profondeur… En créant des conditions favorables à une sorte de "révolution culturelle", en favorisant ceux qui "encouragent" de nouveaux comportements individuels à l'échelle du quartier et de la rue, en transformant l'école, en redéfinissant la condition féminine... Pour atteindre cet objectif, rien n'exclut de lâcher du lest, de travailler avec les Européens, les Américains, et d'autres si besoin. Pourquoi cela me rappelle-t-il le souvenir de la NEP de Lénine, période pendant laquelle s'établissait solidement le totalitarisme soviétique ?