Pour ces
« conservateurs, les valeurs traditionnelles du Toryism sont issues de la
pensée d'Edmund Burke. Ils opposent un refus principiel à être classés comme
"anti-progrès" ou "anti-moderne".
Autonomie :
le progrès des
techniques et des sciences, le progrès économique, le progrès social, la
croissance, l'augmentation des revenus seraient, au contraire, au coeur de leur
projet de société, fondé sur la liberté individuelle, la libre entreprise, la
propriété, la juste rémunération du mérite et de la prise de risque, la
concurrence. Les conservateurs britanniques se revendiquent d'abord comme des
libéraux, désireux de réduire la sphère publique et de laisser ainsi aux
individus le maximum de liberté par rapport aux injonctions de l'Etat ou au
conformisme du moment véhiculé par la prétendue "société civile" et
ses ONG « bien pensantes ».
Ils
nourrissent a priori une solidarité avec ceux qui fuient et combattent les régimes oppressifs
et les économies verrouillées ; un attachement au principe du droit
d'asile et une amitié comme un soutien pour les dissidents, les résistants, les
combattants de la liberté.
Autres
convictions : le refus de l'esclavage, du servage économique et de la
précarité matérielle, dans la filiation de Wilberforce, Lord Shaftesburry et
Beveridge ; la conviction qu'extrême pauvreté et oppression se renforcent
mutuellement.
Vigilance. Elle est nécessaire vis-à-vis
de la criminalité, des réseaux criminels, des mafias, des sociétés secrètes,
des sectes et des groupuscules violents. Ils désirent leur opposer une
résistance intelligente et proportionnelle, dans les pas de Lord Peel,
fondateur de la police moderne.
Une
vigilance qui prend le visage de la méfiance. Méfiance vis-à-vis des grands
plans, des stratégies de rupture décidées d'en haut, de la planification
économique ou politique inspirée par la Raison et mise en oeuvre par une
avant-garde éclairée de technocrates. Méfiance vis-à-vis des bureaucrates et
des bureaucraties, qu'elles soient privées ou publiques. Méfiance vis-à-vis des
forces qui prétendent dicter des normes à la vie privée. Méfiance vis-à-vis des
révolutions - vraies ou fausses - conduites au nom de la Justice ou de la
Jeunesse.
Horreur
aussi des destructions, des massacres, des souffrances, des absurdités et la
servitude qu'elles entraînent, le plus souvent au profit de quelques-uns, qui
tirent parti des situations pour s'assurer toutes sortes de rentes. Présomption
de corruption chaque fois que la sphère publique devient trop envahissante,
centralisée, uniforme et opaque. Devoir de vigilance, d'enquête, de
contestation et d'indignation. Dénonciation constante, sans complaisance, quel
qu'en soit le coût, des crimes du fascisme, du communiste et des régimes
autoritaires. Refus de la conscience tranquille.
Modestie. Modestie souhaitée de la sphère
publique. Modestie souhaitable des idées politiques. Modestie vis-à-vis des
autres cultures, des autres peuples, des autres traditions dont le respect doit
prévaloir. Modestie vis-à-vis des
autres périodes historiques que l'on risque toujours d'interpréter avec
anachronisme, voire de caricaturer par des lois mémorielles absurdes. Modestie,
donc, devant les erreurs de la colonisation et de la décolonisation, mais sans
auto-flagellation. Modestie de bon aloi vis-à-vis des vaincus dans les guerres.
Economie
des moyens. Economie
de la sphère publique, de la dépense publique, de la production normative :
trop d'impôt tue l'impôt, trop de règles tuent la règle...
Les
« conservateurs » mettent l’accent sur l'égalité des chances, la
fluidité sociale, plutôt que sur la redistribution des revenus et des
patrimoines, toujours beaucoup plus compliquée à organiser. Ils font confiance
au marché et à quelques éléments de régulation pour faire fonctionner
l'économie. Ils adoptent le principe de suffisance en matière militaire, le
pragmatisme institutionnel en matière internationale, c’est-à-dire choisir les
alliances qui apportent les résultats les plus tangibles au moindre coût. Avec
la liberté de mouvement et la concentration des efforts comme a priori
tactique.
Mardi
18 juin. Anniversaire
de l'appel du 18 Juin.
Lecture
de l'Atlas de la France chez Autrement. Comme les choses ont été difficiles pour les Français
libres : si peu de moyens, si peu d'hommes, si peu de soutien politique,
pendant si peu de temps d'ailleurs. Les Alliés avaient en fait choisi une autre
France : celle, plus flexible, de l'Algérie française, de la continuité, des
moyens matériels... Face à cela, le projet plus révolutionnaire de la France
libre oppose la crédibilité militaire qui administre la preuve de l'existence,
la créativité institutionnelle, et aussi la capacité à s'extraire des
obligations pourtant dévorantes du présent pour préparer sans relâche le coup
d'après et l'avenir : cathédrales de mots qui devaient sembler à certains bien
dérisoires... Qui sont finalement les existentialistes en 1943 ? Les petits
gars de la France libre qui se battent pour se battre et réinventer la France
ou Jean-Paul Sartre qui devient à ce moment là un auteur de théâtre à la mode ?
Mercredi
19 juin. Une « drôle » de petite musique…
« Peut-on
trouver une matrice, une sorte de petite musique qui caractériserait la droite
extrême ? Quels en seraientt les thèmes, la séquence ? » me demandent quelques amis belges à
propos de la France. Est-ce "travail, famille, patrie" ? Est-ce
"tous pourris" ? Je leur montre le fac-similé d'une affiche du Comité
de Montpellier de la Ligue antisémite publiée dans La Croix le 21 juillet 1898 et reproduite
par Jacques Bouillon (et alii), 1848/1914, Paris, Bordas, 1978.
On
trouve les éléments suivants :
Aveuglement
On
nous l'avait dit.
Certains
déjà démasquaient
On
n'a pas voulu les comprendre
On
les a traités de prophètes de malheur, on les a accusés de haine
On a
voulu fermé les yeux...
Complicité
...Pendant
que les cuistres de la littérature pornographique (sic) endorment le peuple,
Pendant
que les écumeurs de la politique déchirent la patrie et attisent les luttes politiques...
Ruine/aliénation
...
Se poursuit la ruine du pays
Se
poursuivent les accaparements
Se
poursuivent les scandales financiers
Il ne
manque plus que de vendre le pays après l'avoir déshonoré
Pauvre
pays, pauvre peuple
A
quoi lui sert d'avoir été un des plus beaux et des plus riches du monde
Une
infime minorité a tout accaparé, tout sali, tout détruit...
Sursaut
..Il
n'y a désormais plus que des aveugles pour ne pas voir
C'est
à la faveur de nos discordes que c'est accomplie cette oeuvre néfaste
Trêve
de division, assez de déchirements
Après
nous avoir ruinés, divisés, déshonorés, on est en train de chambarder le pays
au profit de l'étranger
Unissons-nous
Avant
de bouter hors du pays les parasites, réduisons leur influence politique et
économique
Il commence
à être temps de rendre le pays à lui-même...
L'ennemi
intérieur est interchangeable : les Juifs hier, les immigrés, les Musulmans,
les Wallons, les assistés, les socialistes... ça marche à chaque fois
Un tract
du Vlaams Belang dans la boîte aux Lettres : est-ce seulement un populisme fiscal et un
séparatisme fiscal ? En tout cas, ce n’est pas seulement le populisme
patrimonial diagnostiqué par Dominique Reynié. Peu d'exaltation apparente du
passé, du monde d'hier, de l'identité…
Il y a
des propositions plutôt conservatrices au sens classique : moins d'Etat, plus
d'économies, la séparation de la banque de dépôt et de la banque d'affaire, un
contrôle non-politisé des activités bancaires risquées, le retour au franc
belge et à l'Europe d'avant Maastricht, le refus d'un Etat fédéral européen,
une politique d'asile claire. Mais il y a aussi le plaidoyer pour aller
jusqu'au bout du divorce belge par une séparation ordonnée avec Bruxelles comme
capitale de la Flandre. Mais il y a aussi comme des relents de la vieille
petite musique de la droite extrême.
Aveuglement
(les Belges sont
représentés sur le tract comme des vaches aux yeux tristes et bêtes, des
"vaches à lait !)
Complicité « Le "prof" nous dit
que nous n'avons rien à craindre ».
Ruine/
aliénation « Les banques - et même les syndicats - ont risqué des milliards d'Euro et
ont tout perdu.
Plus
de 20% de la population vit sous le seuil de pauvreté
Notre
économie s'écroule. Notre système de sécurité sociale est en danger
Ce
sont nos comptes d'épargne qui sont convoités par l'appétit fiscal du
gouvernement. L'avenir de nos familles est en jeu
Nous
nous saignons aux quatre veines pendant que les immigrés sont accueillis à bras
ouverts. Il existe un gaspillage frénétique dans le sud du pays. Certains
échappent aux impôts par des astuces.
Pauvre
Belgique : nulle part, la pression fiscale n'est aussi élevée
L'argent
des Belges est censé payer les dettes des pays du Sud
Le
bien-être et la prospérité que nous avons hérités de nos parents et de nos
grands parents ont été dilapidés en un temps record ».
Sursaut
« Il est
temps désormais d'organiser la Résistance ».
Qui sont
les ennemis de l'intérieur dans le cas présent ? Les autres partis, les élites
nationales toutes tendances confondues, et notamment les socialistes wallons
démagogues, laxistes et dépensiers.
21
juin 2013. Eté.
Discussion
avec une amie libano-égyptienne. Quel est le projet des Frères musulmans en
Egypte ?
Politiquement,
selon elle, il y a beaucoup de pragmatisme. Le véritable enjeu serait social :
le projet n'a pas changé depuis les années trente où les Frères envisageaient
une révolution totale : changer l'individu, puis changer la famille, puis
changer la société, puis changer l'Etat, puis changer les rapports de force
internationaux. Le pragmatisme actuel serait donc tactique, comme il l'est
peut-être ailleurs : éviter que l'économie s'effondre, rester au pouvoir pour
donner le temps au temps et permettre à la vraie révolution de se faire à la
base, en profondeur… En créant des conditions favorables à une sorte de
"révolution culturelle", en favorisant ceux qui
"encouragent" de nouveaux comportements individuels à l'échelle du
quartier et de la rue, en transformant l'école, en redéfinissant la condition
féminine... Pour atteindre cet objectif, rien n'exclut de lâcher du lest, de
travailler avec les Européens, les Américains, et d'autres si besoin. Pourquoi
cela me rappelle-t-il le souvenir de la NEP de Lénine, période pendant laquelle
s'établissait solidement le totalitarisme soviétique ?