Mardi 4 Juin. Du
marketing au marché politique
Le ministre des affaires
étrangères de l'Espagne vante au Parlement européen tous les mérites de la
"marque Espagne". Il décrit les atouts et les faiblesses de l'Espagne
au plan global, comme si elle était une sorte de compagnie enregistrée en
bourse et pour laquelle il faisait un round show. Il met en valeur les grandes
entreprises espagnoles, leurs technologies, leurs parts de marché. Le discours
est revigorant, le public conquis.
Pourtant l'Espagne n'est
plus un marché à part. Elle n'est plus une économie nationale conduite par une
poignée de dirigeants. Elle n'est pas une entreprise.
Subrepticement, la
communication politique substitue en fait un objectif à un autre : on glisse de
l'Europe à la nation, de la priorité de construire un Marché unique fluide et
vigoureux au rêve d'être bien classé au grand radio-crochet de l'économie
globale. De là, on peut passer facilement de la défense de la libre concurrence
à l'apologie des aides d'Etat. Et on devine comment le patriotisme économique
peut, demain, servir à justifier la renationalisation de la réglementation
économique.
Après tout qu'y a-t-il
d'autre derrière le projet britannique que de renégocier les traités qui lient
ce pays à l'Union ?
Mercredi 5 juin. Révolution
conservatrice
Une rencontre avec des
amis slovaques permet de mieux identifier les fondements de ce que l'on
pourrait appeler la révolution conservatrice dans une partie de l'Europe:
- primat de l'économie
familiale, de la proximité, du local, du "bon sens", des arrangements
interpersonnels par rapport à l'intégration, au grand Marché, à la construction
européenne : mélange de libéralisme et d'organicisme
- affirmation des valeurs
familiales traditionnelles : mariage, famille, épargne, frugalité, travail et
affirmation des valeurs chrétiennes
- fierté nationale d'une
identité considérée comme inséparable des valeurs traditionnelle et de la
petite entreprise
Une sorte de rêve alpin
du Jura suisse aux Tatras ?
Jeudi 6 juin. Principe
de subsidiarité
Plusieurs contacts
récents avec des responsables catholiques. Constat à l'emporte-pièce : il
n'existe pas (ou presque plus) de continuité nature entre le projet
d'intégration européenne et le projet social de l'Eglise.
L'Union n'est plus vue
comme le moyen de faire advenir une économie sociale de marché qui serait, en
elle-même, considérée comme particulièrement souhaitable. L'accent est plutôt
mis sur le respect de chacun, le respect de chaque peuple, de ses traditions et
de ses valeurs. Le principe de subsidiarité est au centre de cette approche. Un
principe qui vient d'ailleurs de l'Eglise. Il s'y accompagne d'un principe de
responsabilité, d'une sorte de "devoir d'Etat" qui impose à chacun de
faire de son mieux pour servir, là où il est, la cause commune.
Les progrès
d'organisation de l'Union européenne, notamment au plan extérieur, sont salués
mais le scepticisme demeure à l'égard d'une évolution plus fédérale. Plus de
discipline collective peut créer l'impression d'un diktat ou d'une mise sous
tutelle de certains peuples par d'autres ; un droit civil harmonisé peut
véhiculer demain des principes contraires à ceux de l'Eglise ; une mauvaise
appréciation des relations entre les Eglises et les Etats peut conduire à
sous-estimer l'influence utile de certaines en temps de crise, notamment dans
le monde orthodoxe.
Prudence donc avec
l'Europe, chuchote-t-on, en
sacristie.
Vendredi 7 juin.
Europhobie
FD et René Leray
s'entretiennent de la montée d'un euroscepticisme plus radical, délibérément
destructeur, qui vise à généraliser partout en Europe, le débat entamé en
Grande-Bretagne sur la sortie de l'Union européenne. FD en propose une première
lecture à partir du rappel du Memorandum d'Alexis Léger (1930) (voir texte
ci-dessous)