dimanche 19 mai 2013

BQ de la semaine du 13 mai 2013

FD est l'un des conseillers de l'Institut d'études européennes des Facultés Saint-Louis à Bruxelles, qui se réunissait lundi 13 mai pour réélire le doyen Hugues Dumont à la tête de l'Institut.

FD est revenu à cette occasion sur le travail préliminaire d'un autre des conseillers de l'Institut, Jacques Keller-Noellet, directeur général honoraire du Conseil de l'Union européenne (The Future of the EU, Non-Paper, avril 2013). Celui-ci développe l'idée qu'une "Union politique", capable d'accompagner l'Union bancaire, l'Union économique et l'Union budgétaire proposées pour l'UEM, est une idée à la fois trop vague et actuellement prématurée. Jacques Keller-Noellet propose en revanche certaines suggestions ponctuelles pour améliorer la légitimité d'ensemble du système institutionnel européen, notamment une meilleure organisation du débat national sur l'action européenne des exécutifs nationaux. Il insiste surtout sur la nécessité de s'écarter des élucubrations institutionnelles (nouvelle synthèse institutionnelle) pour revenir à l'Europe concrète et développer de vraies politiques européennes face aux défis du moment:

- le manque d'attractivité pour les investisseurs (risques financiers, complexité réglementaire; atonie des facteurs de croissance) ;
- l'érosion de l'avance technologique ;
- la dépendance énergétique et l'inadéquation des infrastructures dans ce domaine;
- l'absence d'une défense commune;

Selon lui, des progrès réels dans ces domaines peuvent se faire avec un "minimum de bonne volonté politique dans le cadre des traités existants, ou avec quelques ajustements mineurs, sans courir le risque d'une confrontation directe avec une opinion de plus en plus eurosceptique".

Pour FD, le réalisme de Keller, issu de l'expérience du Conseil de l'UE, va dans le sens du diagnostic qu'il avait lui-même développé devant l'Institut Européen des Relations Internationales sur la nécessité de mettre fin rapidement aux "prothèses institutionnelles" européennes, à savoir des politiques restées essentiellement déclaratoires dans le domaine de l'énergie, de l'innovation et de la défense.

FD intervient devant le même Institut Européen des Relations Internationales, à l'invitation de son directeur, le professeur Irnerio Seminatore, le mardi 14 mai au Palais du Cinquantenaire, sur les conséquences géopolitiques d'une sortie (improbable) de la Grande-Bretagne de l'Union européenne. Serait-elle le "début de la fin" du processus d'intégration européenne ? (Voir texte)

Pour l'ambassadeur Morel, la menace de sortie ou de referendum sur la sortie de l'Union de la Grande-Bretagne complique déjà les choses pour une Union européenne aujourd'hui en mutation sous l'effet de cinq ans de crise économique qui ont changé les perceptions de la classe moyenne dans de nombreux Etats membres. Il ne croit pas en revanche à la réalité d'une sortie ni à une recomposition continentale. Il écarte aussi la mobilisation de la pensée de Carl Schmidt pour comprendre les difficultés actuelles de l'Europe. Cette pensée est, selon lui, une pensée du ressentiment. Dire que l'Europe est malade

Richard Corbett resitue le débat sur la sortie de la Grande-Bretagne dans son contexte : les divisions au sein du parti conservateur. Lorsque Cameron a évoqué l'idée du referendum sur la sortie, c'était comme chef du parti conservateur, pas comme Premier ministre. Il y a, selon Corbett, trois catégories de Conservateurs, les Eurosceptiques de plus en plus proches de l'UKIP, favorables à la sortie, les partisans d'une renégociation (mais dont on ne sait pas très bien sur quoi elle pourrait porter), et des pragmatiques, peu nombreux, mais favorables à l'Europe.
Les Libéraux restent attachés à la construction européenne. Les Travaillistes ne veulent pas souscrire à l'idée d'un referendum sur l'Europe afin de ne pas accréditer l'idée que celui-ci sera inévitable après les prochaines élections.

Le professeur Franck soutient l'idée que ce qui intéresse surtout la Grande-Bretagne c'est une renégociation des traités conformément à l'article 48 pas la sortie négociée prévue par l'article 50. Il se demande lui aussi sur quoi elle pourrait porter : la liste des compétences ? de nouvelles exemptions?
Parallèlement à sa critique de la surenchère eurosceptique, il déplore la logique incantatoire des fédéralistes européens et l'idée de vouloir transformer le Parlement européen en Bundestag capable de 'nommer et de virer l'exécutif européen'. Pour lui, le Parlement européen, comme le Congrès américain, doit d'abord se préoccuper de la qualité de la législation, de l'adéquation des financements, et de la bonne exécution des décisions législatives. Le modèle possible de l'Union n'est pas celui d'un Etat fédéral, mais bien d'une fédération d'Etats nations, ce qui est très différent.

Dans un entretien particulier avec le professeur Franck, FD évoque les récents travaux du Parlement européen sur la comparaison EP/Congrès et la fécondité de cette comparaison.

Lors d'une conférence le 17 mai devant les étudiants du Master d'études européennes des Facultés Saint-Louis, sur la géopolitique des marchés financiers, FD développe l'idée que la sortie de crise gérée par les institutions européennes prend la forme d'une sorte de chandelier à 7 branches. C'est un dispositif complexe, mis en place progressivement, pour répondre à deux crises simultanées qui se renforçaient mutuellement :

- pour répondre à la crise de la dette souveraine d'un certain nombre d'Etats, les Européens ont organisé :
a. : une solidarité financière inédite entre eux (prêts bilatéraux, fonds de stabilisation financière)
b. : un paquet plus complet pour financer l'ajustement structurel de la Grèce et de Chypre en collaboration étroite avec le FMI, non sans poser le problème du contrôle démocratique des Troïkas qui conçoivent et suivent ces plans.
c. : un traité de bonnes intentions couplant la possibilité de mobiliser des fonds de secours plus importants à la promesse de respecter la règle d'or (c'est le couplage de l'ESM et du Fiscal Compact)
d. : une surveillance mutuelle des dérapages budgétaires

- pour répondre à la crise bancaire des systèmes nationaux :
e. : un soutien constant de la BCE aux banques de la zone sous différentes formes de prêts, l'augmentation des crédits disponibles permettant aux banques d'acheter dans de bonne condition la dette des pays européens
f. : une garantie d'intervention directe sans limites si l'Euro venait à être menacé dans sa convertibilité, décision de faire tout ce qu'il faudra, assortie d'un plan de financement exceptionnel à moyen terme (outright monetary transactions) en cas de besoin.
g. : une supervision bancaire pour faire le ménage incomplètement conduit par les autorités nationales

Cet effort considérable, réalisé dans un temps très bref, est encore inachevé. Il relève pourtant sans ambiguïté d'un "passage au niveau central" qui n'est peut-être pas encore le "passage à l'Europe" théorisé et souhaité par Luck van Middelaar, mais qui démontre clairement les limites atteintes par le niveau national.
Ces limites des dirigeants nationaux, en termes de capacité, de compétences et de légitimité, sont désormais perçues par les opinions. La conscience de ces limites du niveau national semble d'ailleurs être l'un des enseignements des  récents sondages du Pew Research Center au sein desquels on souligne sans doute trop exclusivement le scepticisme à l'égard de l'Union européenne elle-même.