FD est l'un des
conseillers de l'Institut d'études européennes des Facultés Saint-Louis à Bruxelles, qui se
réunissait lundi 13 mai pour réélire le doyen Hugues Dumont à la tête de l'Institut.
FD est revenu à cette
occasion sur le travail préliminaire d'un autre des conseillers de l'Institut,
Jacques Keller-Noellet, directeur général honoraire du Conseil de l'Union
européenne (The Future of the EU, Non-Paper, avril 2013). Celui-ci développe l'idée qu'une "Union
politique", capable d'accompagner l'Union bancaire, l'Union économique et
l'Union budgétaire proposées pour l'UEM, est une idée à la fois trop vague et
actuellement prématurée. Jacques Keller-Noellet propose en revanche certaines
suggestions ponctuelles pour améliorer la légitimité d'ensemble du système
institutionnel européen, notamment une meilleure organisation du débat national
sur l'action européenne des exécutifs nationaux. Il insiste surtout sur la
nécessité de s'écarter des élucubrations institutionnelles (nouvelle synthèse
institutionnelle) pour revenir à l'Europe concrète et développer de vraies
politiques européennes face aux défis du moment:
- le manque
d'attractivité pour les investisseurs (risques financiers, complexité
réglementaire; atonie des facteurs de croissance) ;
- l'érosion de l'avance
technologique ;
- la dépendance
énergétique et l'inadéquation des infrastructures dans ce domaine;
- l'absence d'une défense
commune;
Selon lui, des progrès
réels dans ces domaines peuvent se faire avec un "minimum de bonne
volonté politique dans le
cadre des traités existants, ou avec quelques ajustements mineurs, sans courir
le risque d'une confrontation directe avec une opinion de plus en plus
eurosceptique".
Pour FD, le réalisme de
Keller, issu de l'expérience du Conseil de l'UE, va dans le sens du diagnostic
qu'il avait lui-même développé devant l'Institut Européen des Relations
Internationales sur la nécessité
de mettre fin rapidement aux "prothèses institutionnelles"
européennes, à savoir des politiques restées essentiellement déclaratoires dans
le domaine de l'énergie, de l'innovation et de la défense.
FD intervient devant le
même Institut Européen des Relations Internationales, à l'invitation de son directeur, le professeur
Irnerio Seminatore, le mardi 14 mai au Palais du Cinquantenaire, sur les
conséquences géopolitiques d'une sortie (improbable) de la Grande-Bretagne de
l'Union européenne. Serait-elle le "début de la fin" du processus
d'intégration européenne ? (Voir texte)
Pour l'ambassadeur Morel,
la menace de sortie ou de referendum sur la sortie de l'Union de la
Grande-Bretagne complique déjà les choses pour une Union européenne aujourd'hui
en mutation sous l'effet de cinq ans de crise économique qui ont changé les
perceptions de la classe moyenne dans de nombreux Etats membres. Il ne croit
pas en revanche à la réalité d'une sortie ni à une recomposition continentale.
Il écarte aussi la mobilisation de la pensée de Carl Schmidt pour comprendre
les difficultés actuelles de l'Europe. Cette pensée est, selon lui, une pensée
du ressentiment. Dire que l'Europe est malade
Richard Corbett resitue
le débat sur la sortie de la Grande-Bretagne dans son contexte : les divisions
au sein du parti conservateur. Lorsque Cameron a évoqué l'idée du referendum
sur la sortie, c'était comme chef du parti conservateur, pas comme Premier
ministre. Il y a, selon Corbett, trois catégories de Conservateurs, les
Eurosceptiques de plus en plus proches de l'UKIP, favorables à la sortie, les
partisans d'une renégociation (mais dont on ne sait pas très bien sur quoi elle
pourrait porter), et des pragmatiques, peu nombreux, mais favorables à
l'Europe.
Les Libéraux restent
attachés à la construction européenne. Les Travaillistes ne veulent pas
souscrire à l'idée d'un referendum sur l'Europe afin de ne pas accréditer
l'idée que celui-ci sera inévitable après les prochaines élections.
Le professeur Franck
soutient l'idée que ce qui intéresse surtout la Grande-Bretagne c'est une
renégociation des traités conformément à l'article 48 pas la sortie négociée
prévue par l'article 50. Il se demande lui aussi sur quoi elle pourrait porter
: la liste des compétences ? de nouvelles exemptions?
Parallèlement à sa
critique de la surenchère eurosceptique, il déplore la logique incantatoire des
fédéralistes européens et l'idée de vouloir transformer le Parlement européen
en Bundestag capable de 'nommer et de virer l'exécutif européen'. Pour lui, le
Parlement européen, comme le Congrès américain, doit d'abord se préoccuper de
la qualité de la législation, de l'adéquation des financements, et de la bonne
exécution des décisions législatives. Le modèle possible de l'Union n'est pas
celui d'un Etat fédéral, mais bien d'une fédération d'Etats nations, ce qui est
très différent.
Dans un entretien
particulier avec le professeur Franck, FD évoque les récents travaux du
Parlement européen sur la comparaison EP/Congrès et la fécondité de cette
comparaison.
Lors d'une conférence le
17 mai devant les étudiants du Master d'études européennes des Facultés
Saint-Louis, sur la géopolitique des marchés financiers, FD développe l'idée
que la sortie de crise gérée par les institutions européennes prend la forme
d'une sorte de chandelier à 7 branches. C'est un dispositif complexe, mis en
place progressivement, pour répondre à deux crises simultanées qui se
renforçaient mutuellement :
- pour répondre à la
crise de la dette souveraine d'un
certain nombre d'Etats, les Européens ont organisé :
a. : une solidarité
financière inédite entre eux (prêts bilatéraux, fonds de stabilisation
financière)
b. : un paquet plus
complet pour financer l'ajustement structurel de la Grèce et de Chypre en
collaboration étroite avec le FMI, non sans poser le problème du contrôle
démocratique des Troïkas qui conçoivent et suivent ces plans.
c. : un traité de
bonnes intentions couplant la possibilité de mobiliser des fonds de secours
plus importants à la promesse de respecter la règle d'or (c'est le couplage de
l'ESM et du Fiscal Compact)
d. : une
surveillance mutuelle des dérapages budgétaires
- pour répondre à la
crise bancaire des systèmes nationaux :
e. : un soutien
constant de la BCE aux banques de la zone sous différentes formes de prêts,
l'augmentation des crédits disponibles permettant aux banques d'acheter dans de
bonne condition la dette des pays européens
f. : une garantie
d'intervention directe sans limites si l'Euro venait à être menacé dans sa
convertibilité, décision de faire tout ce qu'il faudra, assortie d'un plan de
financement exceptionnel à moyen terme (outright monetary transactions) en cas
de besoin.
g. : une supervision
bancaire pour faire le ménage incomplètement conduit par les autorités
nationales
Cet effort considérable,
réalisé dans un temps très bref, est encore inachevé. Il relève pourtant sans
ambiguïté d'un "passage au niveau central" qui n'est peut-être pas
encore le "passage à l'Europe" théorisé et souhaité par Luck van
Middelaar, mais qui démontre clairement les limites atteintes par le niveau
national.
Ces limites des
dirigeants nationaux, en termes de capacité, de compétences et de légitimité,
sont désormais perçues par les opinions. La conscience de ces limites du niveau
national semble d'ailleurs être l'un des enseignements des récents sondages du Pew Research
Center au sein desquels on
souligne sans doute trop exclusivement le scepticisme à l'égard de l'Union
européenne elle-même.